Rupture d’Orbán avec le PPE : une belle opportunité pour les conservateurs européens
Une fusion avec l'ECR est actuellement la solution la plus probable. C'est également là que siège le parti gouvernemental polonais PiS, avec lequel Orbán travaille avec succès depuis des années, et vu que ce groupe, qui comprenait jadis les conservateurs britanniques, a la réputation d'un scepticisme seulement modéré envers l'UE et surtout d’une grande expérience gouvernementale et donc d’un certain degré de fiabilité et de professionnalisme (contrairement à l’ID), cette option est certainement attrayante pour Orbán. Une telle adhésion pourrait même convaincre certains autres partis gouvernementaux d'Europe de l’Est qui font actuellement encore partie du PPE de rejoindre l’ECR (par exemple, le HDZ croate, l'OĽaNO slovaque ou le GERB bulgare) : l'ECR évoluerait ainsi vers une représentation des gouvernements conservateurs de l’espace « des trois mers » entre Baltique, Mer Noire et Adriatique. Désavantage : la Hongrie d'Orbán est, de toute manière, déjà l'un des éléments les plus dynamiques des États du groupe de Visegrád (Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie) : une union encore plus étroite avec la Pologne et ses voisins serait-elle une option plus attrayante pour Orbán que de développer de nouveaux alliés ?
Une deuxième possibilité serait donc de s'associer au groupe parlementaire ID qui comprend déjà l'AfD, le « Rassemblement national » de Le Pen et la « Lega » de Salvini. Dans ce cas de figure, le capital diplomatique d'Orbán s’éroderait bien plus que dans le cas d’une alliance avec l'ECR, car l’ID est considéré comme « l'enfant terrible » du Parlement européen et est regardé avec une certaine méfiance par l'ECR, surtout de la part du PiS polonais. Au vu de l'enthousiasme avec lequel certains députés français et allemands ont tendance à s'extasier devant la Russie de Poutine, c'est clairement un chiffon rouge pour la Pologne. Et pourtant : si ces partis réussissaient à attirer d'autres groupes d'électeurs, en particulier dans ces années de crise post-covid à venir, et peut-être même à rentrer dans certains gouvernements, une telle alliance pourrait bien porter ses fruits pour Orbán et réduire le risque de devenir un simple appendice de la politique polonaise. Certes, l'ID est tout sauf stable, si l'on considère les dérapages et batailles directionnelles de plus en plus embarrassantes de l'AfD, l'épuisement du RN ou les récentes tentatives de Salvini de se distancier de ses partenaires parlementaires pour rejoindre le nouveau gouvernement italien du pro-européen Draghi. Est-il sensé pour Orbán de rejoindre de manière permanente un groupe dont la direction future est tout sauf claire?
La troisième possibilité serait le projet d’unification de tous les partis conservateurs et modérément euro-sceptiques du Parlement européen en un nouveau grand groupe qui, dès lors, atteindrait ainsi une quasi-parité de nombre avec le PPE et les sociaux-démocrates européens et deviendrait un point focal important pour une coopération plus étroite des forces conservatrices de l'Europe, jusqu'à présent très divisées et souvent limitées par des perspectives purement nationales. Bien sûr, cela nécessiterait un travail préparatoire idéologique et diplomatique intense: idéologique, puisque les conservateurs européens devront enfin se concerter sur leur orientation stratégique (est ou ouest), leur vision du monde (laïque ou traditionaliste), leur approche institutionnelle (réforme nationale ou fédérale de l'UE) et leur politique économique (libérale ou chrétienne et sociale) ; diplomatique, car le PiS a peu d'intérêt à abandonner l’ECR (qu'il domine largement) au profit d'une minorisation massive au sein d'une nouvelle structure dont certains adhérents s'extasient devant le grand frère russe ou déplorent toujours la perte des anciens territoires allemands désormais polonais...
Est-il possible pour Orbán d'accomplir un tel exploit diplomatique? En tout cas, ce serait souhaitable : au vu de la « grande réinitialisation » à venir et de l'instrumentalisation de plus en plus flagrante des médias, de l'éducation et même des organes constitutionnels dans la lutte contre le conservatisme à travers l'Europe, il serait plus que jamais temps de mettre fin à ce qui divise et se concentrer entièrement sur la lutte pour la survie de l'Occident. Restera à savoir : quel Occident ?