La Révolution prônée par Zemmour est-elle réalisable ?
Pour se faire il propose de prendre comme modèle la France des années 60, celle du Général de Gaulle. Il s’agirait de stopper les flux migratoires, d’inverser les longs processus économiques et sociaux qui s’appliquent depuis 50 ans et de changer radicalement la mentalité de nos élites et des fonctionnaires de l’ « État profond » (de l’anglais Deep state). Est-ce le projet réalisable d’un potentiel chef d’État courageux, ou est-ce seulement le vœu pieux d’un polémiste idéaliste ?
Les exemples utilisés par Éric Zemmour sont principalement l’élection de Donald Trump aux États-Unis en 2016, les pays de l’Europe Centrale et Orientale et les sociétés de l’Extrême-Orient asiatique. Penchons-nous sur chacun de ces cas.
Donald Trump a effectivement été élu sur un projet de rupture. Il promettait la réindustrialisation des États de la « Rust Belt », notamment la Pennsylvanie, le Wisconsin et le Michigan. Son élection s’est d’ailleurs jouée dans ces États. Il prônait une réorientation de la politique étrangère américaine vers davantage de realpolitik, notamment vis-à-vis de la Chine et des pays de l’Amérique Centrale. Enfin, son style entrait en opposition totale avec ce qui se pratiquait jusqu’à présent au plus haut sommet de l’État. Ce dernier point lui a attiré les foudres de l’État profond américain qui n’a eu de cesse de paralyser toutes ses initiatives. En conséquence très peu de réformes ont pu être menées et Trump n’a pas été reconduit en 2020 dans les circonstances que tout le monde a pu observer. Il a néanmoins insufflé un esprit de révolte dans une part importante de la population américaine, ce qui aura sans doute une influence non négligeable sur l’avenir de ce pays.
Le cas des pays de l’Europe Centrale est différent. S’ils possèdent encore une industrie c’est parce que le « rideau de fer » n’est tombé qu’il y a 30 ans et que ces pays ont été la destination de nombreuses délocalisations. L’ « uberisation » de l’économie y est cependant en cours. Ce qui nous intéresse ici est la mentalité des peuples slaves et finno-ougriens, plus rétifs au progressisme que leurs voisins occidentaux. 600 ans de lutte contre les Ottomans, les impériaux, les fascistes puis les communistes ont forgé un esprit de résistance et une identité forte. Les nouveautés idéologiques comme l’abandon de souveraineté au profit d’instances mondialistes, la théorie du genre, les revendications de la communauté homosexuelle (« LGBT ») ou l’attrait pour la diversité éthno-raciale ont du mal à se frayer un chemin dans ces sociétés conscientes de leur identité. Un modèle à suivre selon Éric Zemmour qui voyage souvent en Hongrie.
Enfin, les pays dits « asiatiques », c’est-à-dire l’Extrême-Orient. Zemmour cite souvent le Japon et la Corée du sud comme exemples à imiter. Au point qu’il a même qualifié le Japon de « Zemmouristan ». Ces peuples sont fiers de leur histoire et ne pratiquent pas la repentance victimaire. L’immigration y est très limitée, le choix ayant été porté sur la robotisation. L’industrie y est toujours très forte et les grands conglomérats japonais et coréens sont reconnaissables dans le monde entier. La solidarité intergénérationnelle et le respect des anciens n’ont pas été bradés au profit d’un individualisme pervers. L’homogénéité culturelle et identitaire fait que les mesures liberticides comme le confinement y sont plus acceptées pour le bien de la société. La grande différence réside dans la spiritualité. Les pensées shintoïstes, bouddhistes et confucéennes sont radicalement différentes des nôtres.
Éric Zemmour espère prendre ce qu’il y a de meilleur dans ces trois modèles et les appliquer à la France. C’est une entreprise titanesque dans un contexte de 50 ans de déclin (selon ses mots). Il n’empêche que personne n’a encore jamais essayé, et surtout qu’il faudra bien le faire un jour ou l’autre, et le plus tôt sera le mieux. C’est sans doute cela qui suscite un tel enthousiasme pour la candidature de l’intellectuel. Ce sentiment qu’il s’agit peut-être ici de la dernière chance de contenir notre déclin, qu’il s’agit d’un signe du destin, que la France n’a pas dit son dernier mot.
Nathaniel GARSTECKA