La guerre perdue des communistes contre la nation polonaise

En imposant l’état de siège, le général Wojciech Jaruzelski (dictateur de la Pologne communiste de 1981 à 1989) portait un coup à Solidarité (Syndicat indépendant et autonome), renforçait sa propre position dans le camp du pouvoir et marquait des bons points auprès du Kremlin. En fait il n'a réussi qu'à prolonger l'agonie du système communiste en Pologne.
 La guerre perdue des communistes contre la nation polonaise

Cette action brutale était la mise en œuvre d'une instruction mise en place antérieurement, ordonnant l'élimination des personnes susceptibles de provoquer des "troubles à l'ordre public". Dans la nuit du 12 au 13 décembre 1981, la police et les forces de sécurité (SB) venaient généralement chercher les jeunes hommes, mais il est arrivé aussi que des conjoints soient internés - par exemple Andrzej et Joanna Gwiazda. Ils ont été détenus selon des listes de noms préparées à l'avance. Dans de nombreux cas, l'appartement a été démoli en même temps : les meubles ont été renversés, la literie déchirée ; même les livres n'ont pas été épargnés. Ceux qui étaient emmenés s'attendaient parfois au pire : ils seraient fusillés dans la forêt ou déportés en Sibérie.

Une guerre contre la nation

Branka (*nom commun de la conscription forcée dans l’armée russe tsariste) lancée il y a 40 ans par Wojciech Jaruzelski - premier secrétaire du  KC PZPR (Comité central du Parti ouvrier unifié polonais), premier ministre de la PRL (République populaire de Pologne) et ministre de la Défense nationale a permis dès la première nuit de l´état de siège plus de 3 000 internements dans toute la Pologne. Leur nombre a rapidement approché les 10 000, dont des militants de Solidarité (y compris la plupart de ses dirigeants) et du syndicat Solidarité des agriculteurs individuels, des conseillers syndicaux, des personnes actives dans des organisations d'opposition ou même indépendantes. Ainsi, dans la guerre polono-jaruzelski - comme on appelle parfois l´état de siège - les autorités se sont assurées un avantage significatif dès le premier jour.

Cela ne signifie pas que la machine mise en route par les généraux communistes a fonctionné parfaitement. Parmi ceux qui ont évité l'internement figurent des militants de Solidarité tels que Bogdan Borusewicz, Zbigniew Bujak, Władysław Frasyniuk, Bogdan Lis, Kornel Morawiecki, Zofia et Zbigniew Romaszewski. De nombreux syndicalistes qui se trouvaient auparavant aux deuxième et troisième rangs se sont montrés à la hauteur. Ce sont eux - en l'absence de dirigeants internés ou cachés - qui ont tenté d'organiser des grèves dans les premiers jours de l´état de siège (la plus longue grève dans la mine de charbon  ‘’Piast’’ s'est terminée le 28 décembre 1981). Des inscriptions "anti-socialistes" sur les murs, des tracts et des magazines imprimés en secret sont rapidement apparus. Des tentatives souterraines ont été faites pour reconstruire les structures syndicales et même pour coordonner leurs activités.

Cependant, la résistance sociale après le 13 décembre était trop faible pour briser les autorités communistes. La vague de grèves qui a déferlé dans les chantiers navals, les mines et les aciéries polonaises dans les premiers jours de l´état de siège n'a pas été aussi forte que celle d'août 1980, lorsque le parti communiste s'est senti obligé de faire des concessions. Le scénario que Jaruzelski a évoqué de manière suggestive lors d'une conversation avec le maréchal soviétique Viktor Kulikov ne s'est pas non plus réalisé : des ouvriers quittant leur lieu de travail, des manifestations de rue dans tout le pays, des comités de parti dévastés. Divers facteurs ont contribué à cet état de fait.

L'effet de surprise

L'effet de surprise a sans doute été à l'avantage de l'équipe de Jaruzelski. Bien sûr, le conflit entre le gouvernement et Solidarité s'intensifiait et de nombreuses voix s'élevaient parmi les syndicalistes pour dire que les autorités se préparaient à une confrontation par la force. Les membres du Comité national de Solidarité réunis à Gdansk les 11 et 12 décembre 1981 ont même reçu des signaux sur les mouvements de l'armée et de la milice et, enfin, sur la rupture des communications téléphoniques. Cependant, pratiquement jusqu'au dernier moment, la conviction que les communistes n'oseraient pas lever la main sur le syndicat fort de dix millions de personnes était forte. On se souvient qu'au cours des mois précédents, des scénarios noirs avaient été élaborés à de nombreuses reprises - jusqu'à l'intervention soviétique en Pologne - mais qu'en fin de compte, les gouvernants avaient toujours fait marche arrière. On a calculé que, même s'ils devaient cette fois-ci se lancer dans un affrontement, les autorités syndicales se réfugieraient sur les lieux de travail, une grève générale serait déclenchée, et les soldats préféreraient rejoindre les ouvriers plutôt que d'agir contre leurs compatriotes. Et bien que Solidarité ait rédigé diverses instructions en cas de grève, d'état d'urgence ou même d'entrée de troupes étrangères, on ne peut pas parler de préparatifs détaillés.

Les autorités de la PRL se préparaient à l'imposition de l´état de siège depuis plus d'un an, et elles ont bien utilisé ce temps. Comme l'a écrit l'historien Andrzej Paczkowski, tout semblait être "boutonné jusqu'au dernier bouton" en termes de logistique. Bien avant le 13 décembre, les actes juridiques étaient prêts, ainsi que les listes de personnes sélectionnées pour l'internement ou les commissaires militaires pour prendre le contrôle de l'administration de l'État. Le travail de fond de la propagande n'a pas été négligé non plus. Pendant des semaines, la télévision, la radio et la presse ont présenté les dirigeants de Solidarité comme des incompétents qui provoquaient des troubles irresponsables qui utilisaient les grèves pour ruiner l'économie et qui étaient prêts à pousser la Pologne vers la guerre civile. Dans ce contexte, Jaruzelski devait être considéré comme un dirigeant responsable, ouvert au compromis, mais également prêt à agir de manière décisive si nécessaire pour sauver la nation.

Certes, cette narration s'est avérée assez efficace. À l'automne 1981, les résultats des sondages d'opinion - tant ceux du gouvernement que ceux réalisés par le Centre de recherche sociale de la région de Mazovie de NSZZ "Solidarité" - indiquent une baisse du soutien au syndicat indépendant. De nombreux Polonais étaient fatigués de la mobilisation constante des grèves et pensaient davantage à survivre au dur hiver qu'à de nouvelles manifestations. Même parmi les syndicalistes de Solidarité, seule la moitié a signé en décembre 1981 la thèse selon laquelle "la confrontation est nécessaire et il ne sert à rien d'attendre plus longtemps, même si nous devons annoncer une grève générale dès demain".

L´état de siège draconien a découragé encore plus la résistance. Certaines entreprises et institutions ont été militarisées - il y avait même une peine de mort pour avoir évité le travail ! Les rassemblements, les grèves et les manifestations ont été interdits, et la résistance a été impitoyablement écrasée. Le 16 décembre 1981, la police a ouvert le feu sur des mineurs en grève de la mine de charbon “Wujek” à Katowice ; neuf personnes ont été tuées. En février 1982, le tribunal naval de Gdynia a condamné Ewa Kubasiewicz, qui avait organisé une grève dans les premiers jours de l´état de siège et édité un tract "au contenu anti-étatique", à une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. Les exemples de répression sévère pourraient être multipliés.

L´état de siège a touché tous les Polonais, même ceux qui n'avaient rien à voir avec Solidarité ou l'opposition. Tout le monde a ressenti l'instauration du couvre-feu, le blocage des communications téléphoniques (rendant très difficile l'organisation même de la résistance, mais aussi l'appel d'une ambulance, p.ex.), les restrictions drastiques des déplacements, l'interdiction de vendre de l'essence et la suspension des samedis fériés.

Certaines personnes se sont bercées d'illusions en croyant qu'au moins il y aurait de l'ordre et que les rayons vides des magasins se rempliraient progressivement. L'équipe de Jaruzelski n'a cependant pas réussi à guérir l'économie de la PRL. La situation tragique de l'approvisionnement n'est pas sans rapport avec le taux élevé de criminalité de droit commun. Dans ces conditions, de plus en plus de jeunes Polonais ont décidé d'émigrer : non seulement à cause des persécutions politiques, mais aussi en raison de l'absence de perspectives d'une vie supportable.

Les années perdues

À long terme, personne n'a gagné la guerre polono-Jaruzelski.

L'Union soviétique a perdu, car bien qu'elle ait traité Solidarité par les mains de Jaruzelski et de ses hommes, cela n'a pas protégé l'équipe de Leonid Brejnev des sanctions économiques américaines. Le Kremlin n'a pas pu gagner la course aux armements entreprise par la nouvelle administration américaine de Ronald Reagan, et les réformes initiées au milieu de la décennie par Mikhaïl Gorbatchev n'ont fait qu'accélérer l'agonie de “l’empire du mal". Au tournant des années 1980 et 1990, ce ne sont pas seulement la Pologne et les autres pays du bloc de l'Est qui quittent la sphère d'influence de Moscou, mais aussi les républiques successives de l'URSS.

Les communistes polonais ont perdu parce que, bien qu'ils aient prolongé leur règne de quelques années en faisant descendre des chars dans les rues, ils n'ont pas réussi à sortir le pays de l'effondrement économique ni à convaincre le public envers leur politique. À la fin de la décennie, ils ont dû s'asseoir avec une partie de l'opposition à la « table ronde » et partager le pouvoir avec eux. Ils ont perdu les élections de juin 1989 et ont progressivement perdu de points d'appui successifs - y compris les départements du pouvoir et le palais présidentiel.

Solidarité est sortie aussi affaiblie de cet état de siège car, bien qu'elle soit entrée dans la clandestinité après le 13 décembre et qu'elle n'ait jamais été complètement vaincue, elle n'a jamais retrouvé sa force de 1980-1981. En 1989, elle renaît non pas comme un mouvement social de dix millions de personnes, mais comme un syndicat d'un million et demi de personnes. Ses anciens dirigeants suivaient déjà en partie des voies différentes, et allaient bientôt se diviser encore davantage.

La société a perdu, car l'enthousiasme et la mobilisation de l'époque des débuts de Solidarité n'ont pas pu être répétés. L´état de siège a inauguré une longue période de désespoir, d'apathie et de repli sur soi. La décennie perdue des années 1980 a dû être rattrapée à grands frais.

Le mythe du „moindre mal”

Jaruzelski a soutenu après 1989 que la loi martiale était un moindre mal parce qu'elle a sauvé la Pologne des chars soviétiques. Cependant, au vu des archives disponibles aujourd'hui, il est impossible de défendre cette thèse. Les documents déclassifiés n'indiquent pas qu'en décembre 1981 le Kremlin était sur le point de prendre une décision d'intervention. Au contraire, ils montrent que c'était Jaruzelski qui voulait que Moscou garantisse une aide militaire en cas de violentes manifestations sociales. Il n'a pas reçu de garanties aussi claires.

S'il a néanmoins décidé d'imposer l´état de siège, il a été clairement guidé par les bénéfices attendus. En lançant cette opération, il brisait les reins de Solidarité, renforçait sa propre position dans le camp du pouvoir communiste et marquait de bons points auprès du Kremlin. En fait il n'a réussi qu'à prolonger l'agonie du système communiste en Pologne.

Dr Filip Gańczak, employé de l'Instytut Pamięci Narodowej  (l'Institut de la mémoire nationale) à Varsovie.


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Cette action brutale était la mise en œuvre d'une instruction mise en place antérieurement, ordonnant l'élimination des personnes susceptibles de provoquer des "troubles à l'ordre public". Dans la nuit du 12 au 13 décembre 1981, la police et les forces de sécurité (SB) venaient généralement chercher les jeunes hommes, mais il est arrivé aussi que des conjoints soient internés - par exemple Andrzej et Joanna Gwiazda. Ils ont été détenus selon des listes de noms préparées à l'avance. Dans de nombreux cas, l'appartement a été démoli en même temps : les meubles ont été renversés, la literie déchirée ; même les livres n'ont pas été épargnés. Ceux qui étaient emmenés s'attendaient parfois au pire : ils seraient fusillés dans la forêt ou déportés en Sibérie.

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Cela ne signifie pas que la machine mise en route par les généraux communistes a fonctionné parfaitement. Parmi ceux qui ont évité l'internement figurent des militants de Solidarité tels que Bogdan Borusewicz, Zbigniew Bujak, Władysław Frasyniuk, Bogdan Lis, Kornel Morawiecki, Zofia et Zbigniew Romaszewski. De nombreux syndicalistes qui se trouvaient auparavant aux deuxième et troisième rangs se sont montrés à la hauteur. Ce sont eux - en l'absence de dirigeants internés ou cachés - qui ont tenté d'organiser des grèves dans les premiers jours de l´état de siège (la plus longue grève dans la mine de charbon  ‘’Piast’’ s'est terminée le 28 décembre 1981). Des inscriptions "anti-socialistes" sur les murs, des tracts et des magazines imprimés en secret sont rapidement apparus. Des tentatives souterraines ont été faites pour reconstruire les structures syndicales et même pour coordonner leurs activités.

Cependant, la résistance sociale après le 13 décembre était trop faible pour briser les autorités communistes. La vague de grèves qui a déferlé dans les chantiers navals, les mines et les aciéries polonaises dans les premiers jours de l´état de siège n'a pas été aussi forte que celle d'août 1980, lorsque le parti communiste s'est senti obligé de faire des concessions. Le scénario que Jaruzelski a évoqué de manière suggestive lors d'une conversation avec le maréchal soviétique Viktor Kulikov ne s'est pas non plus réalisé : des ouvriers quittant leur lieu de travail, des manifestations de rue dans tout le pays, des comités de parti dévastés. Divers facteurs ont contribué à cet état de fait.

L'effet de surprise

L'effet de surprise a sans doute été à l'avantage de l'équipe de Jaruzelski. Bien sûr, le conflit entre le gouvernement et Solidarité s'intensifiait et de nombreuses voix s'élevaient parmi les syndicalistes pour dire que les autorités se préparaient à une confrontation par la force. Les membres du Comité national de Solidarité réunis à Gdansk les 11 et 12 décembre 1981 ont même reçu des signaux sur les mouvements de l'armée et de la milice et, enfin, sur la rupture des communications téléphoniques. Cependant, pratiquement jusqu'au dernier moment, la conviction que les communistes n'oseraient pas lever la main sur le syndicat fort de dix millions de personnes était forte. On se souvient qu'au cours des mois précédents, des scénarios noirs avaient été élaborés à de nombreuses reprises - jusqu'à l'intervention soviétique en Pologne - mais qu'en fin de compte, les gouvernants avaient toujours fait marche arrière. On a calculé que, même s'ils devaient cette fois-ci se lancer dans un affrontement, les autorités syndicales se réfugieraient sur les lieux de travail, une grève générale serait déclenchée, et les soldats préféreraient rejoindre les ouvriers plutôt que d'agir contre leurs compatriotes. Et bien que Solidarité ait rédigé diverses instructions en cas de grève, d'état d'urgence ou même d'entrée de troupes étrangères, on ne peut pas parler de préparatifs détaillés.

Les autorités de la PRL se préparaient à l'imposition de l´état de siège depuis plus d'un an, et elles ont bien utilisé ce temps. Comme l'a écrit l'historien Andrzej Paczkowski, tout semblait être "boutonné jusqu'au dernier bouton" en termes de logistique. Bien avant le 13 décembre, les actes juridiques étaient prêts, ainsi que les listes de personnes sélectionnées pour l'internement ou les commissaires militaires pour prendre le contrôle de l'administration de l'État. Le travail de fond de la propagande n'a pas été négligé non plus. Pendant des semaines, la télévision, la radio et la presse ont présenté les dirigeants de Solidarité comme des incompétents qui provoquaient des troubles irresponsables qui utilisaient les grèves pour ruiner l'économie et qui étaient prêts à pousser la Pologne vers la guerre civile. Dans ce contexte, Jaruzelski devait être considéré comme un dirigeant responsable, ouvert au compromis, mais également prêt à agir de manière décisive si nécessaire pour sauver la nation.

Certes, cette narration s'est avérée assez efficace. À l'automne 1981, les résultats des sondages d'opinion - tant ceux du gouvernement que ceux réalisés par le Centre de recherche sociale de la région de Mazovie de NSZZ "Solidarité" - indiquent une baisse du soutien au syndicat indépendant. De nombreux Polonais étaient fatigués de la mobilisation constante des grèves et pensaient davantage à survivre au dur hiver qu'à de nouvelles manifestations. Même parmi les syndicalistes de Solidarité, seule la moitié a signé en décembre 1981 la thèse selon laquelle "la confrontation est nécessaire et il ne sert à rien d'attendre plus longtemps, même si nous devons annoncer une grève générale dès demain".

L´état de siège draconien a découragé encore plus la résistance. Certaines entreprises et institutions ont été militarisées - il y avait même une peine de mort pour avoir évité le travail ! Les rassemblements, les grèves et les manifestations ont été interdits, et la résistance a été impitoyablement écrasée. Le 16 décembre 1981, la police a ouvert le feu sur des mineurs en grève de la mine de charbon “Wujek” à Katowice ; neuf personnes ont été tuées. En février 1982, le tribunal naval de Gdynia a condamné Ewa Kubasiewicz, qui avait organisé une grève dans les premiers jours de l´état de siège et édité un tract "au contenu anti-étatique", à une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. Les exemples de répression sévère pourraient être multipliés.

L´état de siège a touché tous les Polonais, même ceux qui n'avaient rien à voir avec Solidarité ou l'opposition. Tout le monde a ressenti l'instauration du couvre-feu, le blocage des communications téléphoniques (rendant très difficile l'organisation même de la résistance, mais aussi l'appel d'une ambulance, p.ex.), les restrictions drastiques des déplacements, l'interdiction de vendre de l'essence et la suspension des samedis fériés.

Certaines personnes se sont bercées d'illusions en croyant qu'au moins il y aurait de l'ordre et que les rayons vides des magasins se rempliraient progressivement. L'équipe de Jaruzelski n'a cependant pas réussi à guérir l'économie de la PRL. La situation tragique de l'approvisionnement n'est pas sans rapport avec le taux élevé de criminalité de droit commun. Dans ces conditions, de plus en plus de jeunes Polonais ont décidé d'émigrer : non seulement à cause des persécutions politiques, mais aussi en raison de l'absence de perspectives d'une vie supportable.

Les années perdues

À long terme, personne n'a gagné la guerre polono-Jaruzelski.

L'Union soviétique a perdu, car bien qu'elle ait traité Solidarité par les mains de Jaruzelski et de ses hommes, cela n'a pas protégé l'équipe de Leonid Brejnev des sanctions économiques américaines. Le Kremlin n'a pas pu gagner la course aux armements entreprise par la nouvelle administration américaine de Ronald Reagan, et les réformes initiées au milieu de la décennie par Mikhaïl Gorbatchev n'ont fait qu'accélérer l'agonie de “l’empire du mal". Au tournant des années 1980 et 1990, ce ne sont pas seulement la Pologne et les autres pays du bloc de l'Est qui quittent la sphère d'influence de Moscou, mais aussi les républiques successives de l'URSS.

Les communistes polonais ont perdu parce que, bien qu'ils aient prolongé leur règne de quelques années en faisant descendre des chars dans les rues, ils n'ont pas réussi à sortir le pays de l'effondrement économique ni à convaincre le public envers leur politique. À la fin de la décennie, ils ont dû s'asseoir avec une partie de l'opposition à la « table ronde » et partager le pouvoir avec eux. Ils ont perdu les élections de juin 1989 et ont progressivement perdu de points d'appui successifs - y compris les départements du pouvoir et le palais présidentiel.

Solidarité est sortie aussi affaiblie de cet état de siège car, bien qu'elle soit entrée dans la clandestinité après le 13 décembre et qu'elle n'ait jamais été complètement vaincue, elle n'a jamais retrouvé sa force de 1980-1981. En 1989, elle renaît non pas comme un mouvement social de dix millions de personnes, mais comme un syndicat d'un million et demi de personnes. Ses anciens dirigeants suivaient déjà en partie des voies différentes, et allaient bientôt se diviser encore davantage.

La société a perdu, car l'enthousiasme et la mobilisation de l'époque des débuts de Solidarité n'ont pas pu être répétés. L´état de siège a inauguré une longue période de désespoir, d'apathie et de repli sur soi. La décennie perdue des années 1980 a dû être rattrapée à grands frais.

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S'il a néanmoins décidé d'imposer l´état de siège, il a été clairement guidé par les bénéfices attendus. En lançant cette opération, il brisait les reins de Solidarité, renforçait sa propre position dans le camp du pouvoir communiste et marquait de bons points auprès du Kremlin. En fait il n'a réussi qu'à prolonger l'agonie du système communiste en Pologne.

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