En 2022, le combat continue
Les fins d’années sont toujours l’occasion de célébrer la fête, l’allégresse, la convivialité, de distribuer les sourires, les mots gentils, les cadeaux et, parce qu’il ne faut pas oublier que la joie ambiante n’efface pas les misères, d’amener les plus démunis dans cette danse qui éloigne un temps les maux quotidiens. Les fins d’années sont celles des pages qui se tournent pour laisser place à des pages nouvelles sur lesquelles tout est à écrire ; pour le meilleur espère-t-on à chaque fois. Beaucoup de Français ont cru que la fin de l’année 2021 serait celle du retour de la fête et de l’espoir. Malheureusement, force est de constater que ce n’est pas tout à fait ce qu’ont décidé pour eux, pour nous, car j’ose m’inclure dans le lot, ceux qui se présentent moins comme nos gouvernants que nos gouvernantes. Ainsi que cela est devenue la nouvelle norme depuis deux ans, la fête est un crime, rire, un véritable épandage de maladies mortelles, faire péter un feu d’artifice, bombarder au napalm un orphelinat vietnamien. Cela peut paraître fou, et pourtant, dans un certain nombre de cerveaux dérangés, faire la fête, rire et faire péter un feu d’artifice est devenu le nec plus ultra de la criminalité française. « On peut tuer », disent certains. Même Rambo n’était pas aussi armé que peut l’être un Français porteur dans sa chair du redoutable variant omicron. Aussi, faire la fête c’est répandre la mort, et il serait totalement dingue d’imaginer la faire sans « l’ars moriendi contemporain » qui nous rappelle à chaque instant que s’amuser est dangereux. Faire la fête c’est faire ses trois doses de vaccin, se faire tester avant et après la fête, porter son masque en toute circonstance et se désinfecter les mains au gel hydroalcoolique, bien s’éparpiller dans toutes les pièces et manger si possible sur des tables séparées. Cela, uniquement si on ne peut pas faire la fête par visioconférence, bien entendu. En clair, faire la fête c’est bien se souvenir chaque seconde que l’on risque la mort. Mais uniquement la mort par covid, la mort par crevette pas fraîche ou par os de dinde coincé dans l’œsophage ne pose aucun souci.
Bref, faire la fête c’est aussi joyeux en 2021 que regarder Rémi sans Famille et Bambi un soir de Noël. Mais outre cet esprit des fêtes parti sous d’autres cieux, il est probablement plus inquiétant encore de voir l’espoir s’amenuiser petit à petit, disparaître dans les cœurs telle la flamme s’éteignant sous les coups de boutoir d’une pluie battante. 2021 n’emportera pas avec elle sa folie covidienne, les Français l’ont compris, et quand bien même l’esprit des fêtes se faufilerait-il parmi eux, il trouverait seulement des hommes et des femmes maussades, visages ternes et terreux, s’acheminant, le pas trainant et le cœur résigné vers 2022. En effet, plus que l’esprit des fêtes sommé de s’exiler, c’est bien l’espoir qui fait défaut en ces jours derniers. Le Français, plus mou que jamais, plus masqué que Belphégor, se lève le matin avec le nombre de cas covid comme jadis avec la météo, et mène dans un monde rendu gris une vie aussi savoureuse qu’un vieux sandwich SNCF (auquel d’ailleurs le Français semble terriblement attaché). Il n’imagine même plus une époque sans covid, il n’imagine même plus un après, et pour cela, il accepte des mesures dites du « moindre mal », songeant que sa liberté ne sera plus jamais celle dont il a joui, qu’il est tenu par des chaînes devenues trop épaisses pour être brisées. Il s’achemine vers 2022, las, soupirant. Son cadeau de Noël c’est un rendez-vous sur Doctolib pour une 3e dose qui en appelle déjà une 4e (cadeau de Saint-Valentin sûrement). Il ne sait même plus pourquoi il prend rendez-vous… Ah si ! Pour avoir un pass vaccinal, pour pouvoir jouir pleinement de sa citoyenneté française et ne pas devenir membre du « magma » non vax. On lui injecterait du coca-cola, ce serait pareil, mais puisqu’il faut se faire injecter pour rester un vrai Français, allons-y, faisons-nous injecter ! Le Français soupire, il n’est pas complètement dupe, il sent bien qu’on se fout de lui, mais bon, que faire ? Faut bien vivre ! Masqué, testé, piqué, passé, mais faut bien vivre ! Bref, docilement, il se dit qu’il n’a pas le choix, il courbe l’échine et garde ses critiques pour lui, tentant de se dire que sa vie n’est pas entièrement absurde, qu’il y a sans doute quelque chose de logique dans tout ça.
Ce n’est pas seulement l’esprit de fête qui a abandonné les Français, mais encore l’idée qu’on peut vivre autrement, qu’on peut vivre dans l’absolue normalité, sans masque, sans test, sans vax, simplement à la manière dont l’homme a vécu depuis la nuit des temps. J’imagine à quel point l’homme de 1821 rirait doucement en voyant celui de 2021 englué dans une pandémie « stratosphérique » de covid qui fait 200 000 cas journaliers pour 50 morts dans le même délai. Résigné et fataliste, le Français adepte de la méthode Coué se répète que « c’est pour son bien qu’il n’est plus libre » que « c’est pour protéger les autres qu’il renonce à être un individu pensant et conscient », et biberonné à cette nouvelle normalité par des médias rengaines, des politiciens machiavéliques et des médecins charlatans, il ne sait déjà plus ce qu’est la vie normale ou s’est résigné à ne plus jamais la vivre.
Toutefois, il existe encore des citoyens qui n’ont pas cédé après quasiment deux ans de folie généralisée, d’oppression, d’atteintes à leurs droits, à leur liberté, parfois à leur intégrité physique et mentale. Ces citoyens sont la lumière de 2022, et comme la proue du navire qui inlassablement se redresse après chaque vague dantesque, ils surplomberont encore et encore toutes les ignominies que des esprits corrompus inventeront pour eux. Leur modèle, assurément, finira par inspirer, par convaincre et par faire ressurgir chez ceux qui l’ont perdu, l’espoir qu’on peut vivre le visage à découvert, sans coton-tige dans le nez et en tapant la bise en soirée. Bonne fin d’année et que 2022 nourrisse les espoirs, le combat continue et il sera gagnant !
Alexandre PAGE, docteur en histoire de l’art et écrivain