Toute l'Europe comme "zone de liberté LGBTQ", ou : La trahison des valeurs de la démocratie chrétienne
Le destinataire de cette résolution, aussi grotesque que menaçante, dans laquelle tous les morceaux de la théorie du genre et du constructivisme identitaire se retrouvent, est évidemment la Pologne, où, il y a deux ans, certaines petites communautés avaient exprimé leur profond scepticisme à l'égard de la progression de l'idéologie LGBTQ par une action d'autocollants, provoquant ainsi l'indignation des milieux politiquement corrects dans le pays et à l'étranger. Au cœur de cette action se trouve avant tout la tentative actuelle du lobby LGBTQ d'acquérir le libre droit d'adopter des enfants et d'introduire son programme de politique sexuelle dans le système scolaire, comme cela a été réalisé dans de nombreux pays d'Europe occidentale, même pour l'école primaire. Comparez cela avec la tentative de l'actuel gouvernement polonais de continuer à promouvoir la famille traditionnelle comme un modèle de réussite millénaire et de continuer à traiter les formes alternatives de vie comme ce qu'elles sont : des exceptions à une norme naturelle, qui doivent être tolérées mais ne doivent pas prétendre à une quelconque égalité (cf. mes commentaires d'août 2020 : https://www.tysol.pl/a52664-Tylko-u-nas-prof-David-Engels-Ten-kto-cos-lamie-aby-dowiedziec-sie-czym-to-jest-porzucil-sciezke-madrosci-Gandalf-na-temat-aktywizmu-LGBT). La résolution de l'UE actuellement débattue peut être analysée de trois points de vue stratégiques.
Premièrement, bien que le scandale des autocollants en question soit une action purement symbolique de quelques communautés conservatrices dans une Pologne qui, en termes de poids politique, est seulement un pays de tierce importance, cette action a évidemment eu un tel impact de propagande que le Parlement européen tout entier en débat aujourd'hui en pleine pandémie de coronavirus. Cela montre qu'il est possible d'atteindre l'opinion publique avec des moyens de pouvoir relativement faibles, pour autant que la détermination politique soit présente. Et s'il est évident que l'action relativement anecdotique des autocollants est transformée par les élites politiquement correctes en un synonyme grossièrement exagéré d'une prétendue "oppression" des minorités LGBTQ de Pologne afin de pousser toute la Pologne dans le rôle d'un "État voyou" et de retourner l'opinion publique contre le gouvernement, elle révèle également une certaine reconnaissance en termes de politique de pouvoir. Cela devrait donner au gouvernement polonais, ainsi qu'aux oppositions conservatrices des autres États européens, le courage de ne pas sous-estimer leur propre importance dans la lutte pour la liberté d'expression.
Deuxièmement, l'affaire montre l'énorme pouvoir que le mouvement LGBTQ exerce déjà sur l'opinion publique européenne et donc aussi sur le milieu politique, puisqu'il est capable de gonfler une affaire politique régionale relativement insignifiante en un scandale d’ampleur européenne. Le fait que même le Parti Populaire Européen (PPE), et avec lui les derniers vestiges des démocrates-chrétiens, se sente obligé de se laisser prendre en otage afin de rejoindre les rangs du libéral-gauchisme dans le combat contre le conservatisme montre clairement toute l'ampleur de la trahison qu'il a commis contre ses propres valeurs, et donc aussi que sa prétention à défendre les valeurs conservatrices des pères fondateurs des Communautés européennes s’est éteinte depuis longtemps : aujourd’hui, le « conservatisme » du PPE n’est plus qu’une simple façade qui a pour simple but de vendre aux électeurs un marxisme culturel déguisé superficiellement en démocratie chrétienne. L'électorat ne pourra plus ignorer longtemps cette tromperie sur la marchandise.
Troisièmement, il faut noter que la captation actuelle de l'ensemble de l'opinion publique pour les intérêts d'une minorité numériquement infinitésimale et la radicalisation croissante des médias, des élites, de l'éducation et de la politique dans le sens de formes toujours plus extrêmes de le « cancel culture » et de la « woke culture » portent déjà en elles les germes d'une décomposition ultérieure. Car chaque fois qu'une position minoritaire revendique le pouvoir de manière trop radicale, il y a une menace de surchauffe et d'embrasement dialectique. Il en sera de même pour l'agenda libéral-gauchiste : même si les principaux médias d'Europe occidentale, à prédominance politique de gauche, feront tout leur possible pour transformer la résolution en une lutte défensive pour les droits de l'homme, la tolérance et la protection des minorités, de plus en plus de citoyens commenceront vraisemblablement à se demander s'ils partagent réellement l'auto-identification entre "l'idée européenne" d’un côté et une auto-affirmation radicale de plus en plus criarde des positions homosexuelles d’un autre. Il est probable qu'une grande majorité des citoyens de l'UE soit prête à défendre le droit des homosexuels à organiser leur vie sexuelle et privée comme ils le souhaitent (et personne de sensé ne s’y opposera !) ; mais il est très douteux qu'une majorité d'Européens accepte de transformer symboliquement la coexistence sociale de l'ensemble du continent en une gigantesque gay pride dans laquelle les relations traditionnelles entre hommes et femmes ne seraient qu'une variante arbitraire parmi des centaines d'autres, comme le préconise la théorie des genres. Le fait qu'une majorité de députés européens soit prête non seulement à tolérer des positions aussi radicales, mais à les soutenir activement, montrera clairement à de nombreux électeurs que le rejet polonais de l'idéologie LGBTQ n'est pas le résultat d'une "théorie du complot" confuse, mais plutôt d'une évaluation réaliste des faits...
David Engels, essayiste et historien belge, est professeur d'histoire romaine à l'Université libre de Bruxelles et travaille pour l'Instytut Zachodni à Poznań