De Gaulle et la Pologne: 1919-1921
Début 1919 Charles de Gaulle n’est encore qu’un jeune capitaine qui vient de passer deux ans dans des camps de prisonniers en Allemagne après avoir vaillamment combattu en Champagne et en Lorraine. La Première Guerre Mondiale est terminée mais les canons continuent à tonner à l’est. Les nations qui "renaissent" grace au Traité de Versailles se battent pour fixer leurs frontières. La Russie est plongée dans le chaos révolutionnaire et annonce déjà vouloir exporter le communisme à l’Europe entière. De Gaulle ressent un besoin d’action, il veut poursuivre sa carrière militaire.
La France est hostile au bolchevisme. Elle y voit une menace pour la paix, militaire comme sociale. Elle facilite l’armement, l’organisation et le transfert d’unités polonaises vers leur patrie ressuscitée mais déjà menacée. De Gaulle saisit l’occasion et monte en avril 1919 dans le train direction Varsovie, en compagnie de soldats polonais. Il y rejoint la Mission Militaire Française en Pologne du général Henrys. Cette mission est composée de 400 officiers français et a pour objectif d’aider à l'organisation de l'armée polonaise, d’assurer de l’aide matérielle en provenance de France et d’Europe, et de former et instruire les officiers polonais.
Rapidement, de Gaulle devient instructeur à l'École d'infanterie de Rembertow. La ligne de front est encore loin. Il gravit les échelons jusqu’à devenir directeur du cours des officiers supérieurs. À ce moment, en mai 1920, il décide de rentrer en France pour devenir professeur à L'École militaire de Saint-Cyr. Néanmoins, une fois de plus, l’action lui manque. Il repart pour la Pologne quelques semaines plus tard.
Sur place la situation avait vite évolué. La Pologne avait lancé en avril-mai une puissante offensive et pris Kiev. Les Soviétiques avaient dès lors contre-attaqué et repoussé les Polonais sur tout le front jusqu’à arriver, début aout, à 100km de Varsovie.
Ce nouveau séjour de de Gaulle sera radicalement diffèrent du premier. Alors qu’en juillet la Pologne est au bord de l’effondrement, le gouvernement français autorise les officiers présents en Pologne à agir directement auprès des unités polonaises au front. De plus, une mission militaire interalliée avec le général Weygand à sa tête arrive en Pologne pour coordonner les efforts militaires et diplomatiques.
Charles de Gaulle est affecté en tant que conseiller auprès du général Rydz-Smigly, commandant du Groupe d’Armées sud. Le maréchal Pilsudski les y rejoint pour préparer une ultime offensive visant à briser la menace qui pèse sur Varsovie. De Gaulle se liera d’amitié avec ces personnalités d’envergure. L’offensive est chaotique mais victorieuse. On l’appellera « Miracle de la Vistule ». Les armées soviétiques se replient dans la panique. La République Socialiste Soviétique de Russie demande la paix en septembre 1921. Son projet d’imposer le communisme à l’Europe sera repoussé de 20 ans.
À Varsovie les officiers français sont considérés comme des héros. La foule crie « Vive la France ! ». Le capitaine de Gaulle est ému et y voit la force des peuples et des nations qui se battent pour leur survie. Il gardera toujours une forte sympathie pour les Polonais. Il retire aussi de cette expérience des enseignements d’ordre militaire. Il a constaté que la guerre de mouvement était toujours possible. Il a vu de ses yeux l’emploi massif d’unités de cavalerie afin d’obtenir la décision, que ce soit du côté russe ou du côté polonais. Il théorisera la même doctrine d’emploi vis-à-vis des chars d’assaut. Théorie qui sera mise en application avec succès par les Allemands en 1939 et 1940, contre la Pologne puis la France.
En attendant, de Gaulle vient de connaitre sa seconde grande expérience militaire et sa première mission à l’étranger. Elles contribueront à forger son amour des nations européennes et sa méfiance vis-à-vis des idéologies progressistes. La Pologne, elle, n’oubliera pas ces officiers français et de Gaulle en particulier. Elle lui fera un accueil triomphal lors de sa venue en 1967, cette fois en tant que Président de la République française.
Nathaniel GARSTECKA