Henri III de Valois, roi de Pologne et de France
Zygmunt II meurt en juillet 1572. Débute alors un interrègne durant lequel la noblesse polono-lituanienne décide d’organiser l’élection du nouveau souverain. Un véritable appel d’offre est lancé à travers l’Europe et les candidats prestigieux accourent des quatre coins du continent.
Henri, né en 1551, est le quatrième fils du roi Henri II et de Catherine de Médicis. Son frère, le roi Charles IX, le fait à 16 ans chef des armées royales en pleine période des guerres de Religions. Le jeune Henri, qui est déjà duc d’Angoulême, d’Orléans et d’Anjou s’y distinguera par son fort engagement contre les protestants. Il ira jusqu’à participer aux massacres de la Saint-Barthélemy en 1572.
Ses succès militaire et son ambition suscitent l’agacement de Charles IX. Leur relation se détériore. Catherine de Médicis cherche le moyen de les réconcilier. C’est à ce moment que lui parvient l’information selon laquelle la Pologne-Lituanie se cherche un nouveau roi.
L’occasion est inespérée. Réconcilier les deux frères tout en prenant le contrôle d’un territoire presque deux fois plus grand que la France et en permettant ainsi d’encercler l’Empire des Habsbourg, dans la continuité du projet géopolitique de François Ier.
La reine mère dépêche ses meilleurs diplomates en Pologne pour convaincre le conseil des nobles d’envisager favorablement la candidature française. Cependant un point précis fait tache : l’implication de Henri dans le massacre de la Saint-Barthélemy. La Pologne est un pays tolérant qui accueille depuis des siècles les minorités persécutées d’Europe de l’ouest et ne souhaite pas importer sur ses terres le conflit contre les protestants. La délégation française arrondit les angles, avec succès.
Henri III est élu roi de Pologne en mai 1573. Immédiatement, une représentation diplomatique part en France chercher le nouveau souverain. Celui-ci hésite, rechigne. La République des Deux Nations est une république nobiliaire avec un roi à sa tête. La noblesse y est puissante. Henri sait qu’il n’aura pas beaucoup de pouvoir. Malgré cela il finit par accepter et signe les « Articles henriciens », articles garantissant les privilèges de la noblesse, la tolérance religieuse et la limitation drastique du pouvoir royal (aucune réelle décision ne pourra être prise sans l’accord du parlement).
Peu pressé de ceindre sa nouvelle couronne, Henri fait traîner les choses. Surtout depuis qu’il a appris qu’il doit épouser Anna Jagellon, sœur du défunt roi Zygmunt II, de 28 ans son aînée. Ce qu’il ne fera d’ailleurs pas.
Il finit par arriver à Cracovie en février 1574 et à 23 ans y est sacré roi. Son règne ne sera pas long car trois mois plus tard il apprendra que son frère, Charles IX, est mort et décidera de retourner en France pour en devenir le souverain, condamnant ainsi la Pologne à un nouvel interrègne. Il continuera toute sa vie à se présenter comme roi de Pologne et de Lituanie, bien que la Pologne se soit choisi un nouveau monarque dès 1575.
Que retenir de son court règne ? Avant tout Henri était irrité par la limitation de ses pouvoirs. Toutes les décisions passaient par la noblesse et le parlement. De fait il était distant des affaires du pays et passait son temps à organiser des bals et des soirées. Puis le choc des cultures. Il fut frappé par la pauvreté des campagnes et par la rudesse du climat. Les Polonais furent quant à eux heurtés par la coquetterie du roi : vêtements frivoles, bijouterie, parfums… Néanmoins Henri fut ébloui par la beauté et la modernité du château de Wawel à Cracovie. La légende veut qu’il y découvrit les canalisations et la fourchette (ce qui faillit provoquer un incident diplomatique en 2016). Enfin et malgré tout, les liens diplomatiques entre la France et la Pologne qui se nouèrent à l’occasion furent conservés.
Si Henri III n’a pas marqué l’histoire de la Pologne, il n’en reste pas moins la première grande personnification de l’amitié entre nos nations qui s’incarnera de plus en plus souvent au fil des siècles.
Nathaniel Garstecka