Anna Walentynowicz, le vrai Prix Nobel de la Paix

Ce petit bout de femme n'est autre qu'Anna Walentynowicz, co-fondatrice du syndicat Solidarność.
Une femme dont la bonté d'âme est sans commune mesure.
Anna Walentynowicz est née le 15 août 1929 prés de Równe, dans l'actuelle Ukraine. Elle est la fille de Nazar et Pryśka Lubczyk, un couple de protestants. L'extrême pauvreté de sa famille la pousse à travailler alors qu'elle n'a que 12 ans. Ses employeurs, en 1943, l'emmènent pour travailler près de Varsovie, puis elle atterri à Gdańsk où elle enchaîne les petits boulots : employée dans une ferme, comme vendeuse en boulangerie et comme ouvrière dans une usine de margarine. Gdańsk, où elle vivra toute sa vie.
Anna grandit sans avoir connu l'insouciance de l'adolescence. Sa prime jeunesse lui a forgé le caractère.
En 1950, elle suit une formation de soudeur, pour travailler aux chantiers navals de Gdańsk. Son mérite et son efficacité lui valent d'être nommée chef soudeur.
Elle est citée en exemple par la presse communiste, et pour la remercier "l'Union de la jeunesse communiste de Pologne" l'envoi au congrès de Berlin de 1951. Cependant, les conditions de travail infligées à ses collègues lui sont insupportables, ce qui la pousse à rompre avec les jeunes communistes.
En 1952, elle rejoint la "Liga Kobiet Polskich" (Ligue des femmes), une organisation féministe, et entre en lutte pour de meilleures conditions de travail. Suite à cela, l'UB (Sécurité Intérieure) la fichera et commencera lui causer des soucis.
En septembre 1952, elle met au monde un fils, Janusz. Les conditions de travail digne de l'esclavage pendant sa grossesse affecteront durablement sa santé.
Anna est une ouvrière hors pair, une femme d'une bonhommie naturelle ; appréciée et aimée par ses collègues, qui la défendront en 1968 face à une tentative de licenciement.
En 1970, suite aux grèves de décembre qui ont embrasé le pays, elle fait partie de la délégation qui doit rencontrer Edward Gierek, premier secrétaire du Parti communiste, afin de porter les revendications des ouvriers polonais. Malgré cette rencontre, les conditions pour les ouvriers ne s'amélioreront pas.
D'une détermination sans faille, elle co-fonde en 1978 le premier syndicat libre mais illégal (WZZ), prémices de Solidarność. Elle mettra son appartement à disposition des syndicalistes pour des réunions. Et cela, malgré les gardes à vue musclées, les menaces, les perquisitions et les représailles de la SB (KGB polonais).
Mais voilà qu'elle est licenciée, à 5 mois de la retraite (pour motifs disciplinaires) des chantiers navals, le 7 août 1980.
De son renvoi, naîtront les révoltes populaires de Solidarność. Le syndicat libre Solidarność est fondé, le 31 août 1980.
C'est elle l'icône du mouvement, la population l'aime et scande son nom.
Les Polonais d'Amérique la surnomme même, "Lady Anna Solidarność"!
Elle sera condamnée à 20 ans de prison pour ses activités subversives, elle passera de nombreux mois en prison, ce qui attisera la grogne des ouvriers.
Elle en sort encore plus déterminée.
Plus le mouvement s'ancre, plus l'équipe dirigeante de Solidarność acquise au "dieu" Lech Wałęsa, la marginalisera jugeant ses prises de position trop radicales ; elle quittera la tête du mouvement.
Mais malgré tout, son courage et son sens de l'abnégation la pousse à être de tous les piquets de grève. Toujours là, toujours debout, droite et fière elle est resplendissante dans son chemisier fleuri.
Malgré tout, elle garde le contact avec certains membres de l'équipe fondatrice parmi lesquels un certain Lech Kaczyński.
Suite à l'assassinat du Père Jerzy Popiełuszko, le 19 octobre 1984, elle organise des manifestations en soutien et hommage au Père Popiełuszko.
Alors que Lech Wałęsa s'assoie à la table des négociations avec les communistes en 1989, elle dénonce cette politique du compromis. Elle est fermement opposée à la doctrine de la "Gruba kreska" (gros trait) défendue par Wałęsa et Adam Michnik rédacteur en chef de la Gazeta Wyborcza consistant à pardonner au gouvernement soviétique et aux communistes.
La même année, Anna prend part aux accusations de collaboration avec la SB ( KGB polonais) portées à l'encontre de Wałęsa.
Suite à quoi Wałęsa sera "blanchit" par la justice, justice dont les juges étaient en place depuis l'ère soviétique.
L'ouverture des archives de l'IPN donnera raison à Anna Walentynowicz et aux autres accusateurs. Wałęsa a bien collaboré avec la SB, il fut indic sous le nom de code "Bolek".
En 1993 avec Anna Baszanowska, elle publie son autobiographie "Cień przyszłości" (L'Ombre de l'avenir).
La ville de Gdańsk en l'an 2000 voudra la faire citoyenne d'honneur, ce qu'elle refusera.
Elle portera un recours devant la justice pour être indemnisée des préjudices physiques et moraux subis pendant la période communiste. Comble de l'ignominie le tribunal de Gdańsk la déboutera.
Le Président des États-Unis, George W. Bush le 13 janvier 2005, lui remettra la médaille Truman-Reagan medal of Freedom honorant son combat contre les communistes. Le 3 mai 2006, elle est élevée au rang de chevalier de l'Order Orła Białego (Légion d'honneur polonaise) par le Président Polonais Lech Kaczyński.
Le réalisateur Volker Schlöndorff lui rendra hommage, dans un film qui lui est dédié "L'héroïne de Gdańsk"sorti en 2006.
Elle quittera ce monde à 80 ans, le 10 avril 2010, lors de la catastrophe de Smoleńsk. Elle faisait partie des invités aux commémorations des 70 ans du massacre de Katyń.
Depuis sa mort de nombreux hommages lui ont été rendu.
En 2018, le Sejm (parlement polonais) fera de l'année 2019, l'année Anna Walentynowicz.
En 2020 le Time Magazine, la classe parmi les 100 femmes qui ont influencé le XX siècle.
Le 12 octobre 2020 la mairie de Kiev, en présence du Président Polonais Andrzej Duda, a inauguré une statue a son effigie.
Anna Walentynowicz, une femme de combat, une femme de cœur.
Anna Walentynowicz, une femme pour qui les valeurs d'honnêteté et de solidarité n'étaient pas de vains mots.
Anna Walentynowicz, une femme qui force le respect et l'admiration.
Anna Walentynowicz, celle qui, méritait le Prix Nobel de la Paix.
Florian Marek.